Ces dernières semaines, j’ai vu passer pas mal de publications expliquant que le HPI ne cause aucune difficulté.
Je comprends tout à fait l’intention : éviter la pathologisation à outrance, et ne pas passer à côté d’un TSA, d’un TDAH ou autre. Je suis même d’accord avec cela.
Mais j’aime la nuance et la complexité, alors j’ai envie de creuser un peu plus la question. Parce qu’il y a quelque chose qui me gênait dans cette affirmation. Et je n’arrivais pas à savoir quoi.

Le HPI n’est pas un trouble
Sur le fond, c’est vrai.
Le haut potentiel intellectuel n’est pas un trouble du neurodéveloppement comme le sont l’autisme ou le TDA/H.
Ce n’est pas une maladie.
Ce n’est pas un diagnostic médical.
Mais est-ce que ça veut dire qu’il est forcément anodin, simple à vivre, et sans impact sur le quotidien ?
Moi, je ne crois pas, mais ça reste un avis strictement personnel. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi.
Ce que le HPI n’est pas.
Le haut potentiel intellectuel désigne un fonctionnement cognitif particulier, mesuré par des tests de QI où l’on dépasse 130.
Ce n’est pas un trouble psychique, ni un handicap ou une souffrance en soi.

Il n’est inscrit dans aucune classification médicale (ni DSM-5, ni CIM-11).
Une identification HPI n’est pas suivie d’un parcours de soins spécifique et ne nécessite évidemment aucun traitement.
Je pourrais faire un article sur le parcours de soins spécifique que j’estime important tant le haut potentiel peut, à mon sens, compenser ou camoufler beaucoup de choses, mais ce n’est pas tout à fait le sujet ici.
Ce que le HPI peut être (et pourquoi c’est complexe)
Le HPI n’est donc pas un trouble, mais cela ne signifie pas que c’est toujours simple à vivre.
Par définition, le haut potentiel diffère de la norme.

Et comme tout ce qui diffère de la norme dans laquelle nous vivons, cela peut générer un décalage avec l’environnement.
Ce décalage peut, dans certains contextes, créer des difficultés : sociales, scolaires, émotionnelles, ou autres.
Mais attention, je dis bien difficulté, pas trouble.
Et c’est pour ça qu’autant je suis d’accord avec l’affirmation selon laquelle le HPI n’est pas une maladie ni un trouble, autant ça m’énerve de lire “le HPI ne cause aucune difficulté”.
Pour moi, le HPI peut à la fois créer des difficultés s’il y a un décalage avec l’environnement, et aider à les surmonter ensuite. Je suis convaincue qu’il est essentiel de connaître son fonctionnement, pour retrouver confiance en ses capacités, comprendre le fait que tout le monde ne réfléchit pas de la même manière, et connaître ses ressources.
Trouble ≠ difficulté
Un trouble n’a rien à voir avec une difficulté.

Le trouble, c’est une atteinte durable, cliniquement significative, qui altère le fonctionnement ou provoque une souffrance marquée.
Alors si on a un HPI et qu’on ressent une souffrance significative sur la durée, oui, c’est important d’aller chercher plus loin. Ce n’est pas le HPI qui explique cette souffrance.
Une difficulté, elle, peut être réelle, douloureuse, mais reste contextuelle, non pathologique, et transitoire.
Par exemple, avoir du mal à se concentrer quand on est sur stimulé.e n’est pas forcément un trouble de l’attention.
Se sentir seul.e quand on ne partage pas les mêmes centres d’intérêt que les autres n’est pas nécessairement un trouble social ni un signe de TSA.
Mais ça peut peser, désorienter, fatiguer.
Et ce vécu mérite d’être entendu, sans être nié… ni surpathologisé.

Le HPI ne cause pas directement de difficulté mais…
J’ai l’impression que les discours autour du HPI oscillent souvent entre deux extrêmes :
- Ceux qui pathologisent à outrance, comme si tout mal-être venait du HPI. Et là je vous renvoie vers mon article sur le risque de sur-attribution.
- Et ceux qui banalisent, au point de nier toute forme de difficulté voire l’existence même du HPI (oui oui).
Moi, j’aime bien la nuance. Le HPI n’est pas une maladie. Statistiquement, il est même un facteur protecteur des pathologies mentales. Mais ça me gêne de voir qu’on nie les difficultés que certain.es peuvent ressentir.
Vraiment, je comprends l’idée. Ce n’est pas le HPI directement qui cause la difficulté. Mais c’est l’environnement dans lequel on se trouve, qui peut pointer du doigt une différence quand on n’en a pas conscience. Peut-on vraiment alors balayer le haut potentiel d’un revers de main ?
Rien qu’un centre d’intérêt qui diffère de ceux de notre entourage, même sans HPI d’ailleurs, peut créer une difficulté. Des discussions où l’on va “trop loin”, “trop vite”, ou “à côté” aussi.
Une différence ne provoque pas de souffrance durable (si c’est le cas il faut investiguer on est d’accord). Mais elle peut gêner ou isoler. Et dans certaines périodes de vie (l’école, l’adolescence, un environnement très normé…), cela peut devenir très pesant. Surtout si l’on n’a pas conscience de son haut potentiel.
Alors, difficulté ou pas ?
Oui, pour moi, le HPI peut provoquer des difficultés. Les personnes concernées peuvent avoir besoin d’écoute, de repères ou d’adaptations, pour mieux comprendre leur fonctionnement et se sentir à leur place. Pour prendre confiance, mettre un mot sur un ressenti, et ainsi utiliser leurs ressources pour surmonter les difficultés, peu importe la cause.
Et ça ne les rend pas fragiles. Juste humaines. Avec un profil un peu différent, dans un monde qui ne leur est pas toujours parfaitement ajusté.
Pardon pardon je m’emporte un peu, j’espère que vous ne m’en voudrez pas, et je serais ravie de lire vos avis sur la question 🙂
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2 Comments
Merci.
Merci pour ce questionnement. Je me permet d’apporter ici mon ressenti. Le fonctionnement cérébral HP est avant tout une souffrance. Etre rejeté par les autres toute sa vie, être mis à l’écart, paraître pour les autres « bizarre ». Est-ce positif pour se construire et s’épanouir ? Le HP doit faire beaucoup d’efforts pour s’adapter aux autres et à la société. Ce chemin épuisant de sa vie crée des épreuves que seul l’isolement permet de surmonter. Pour à nouveau être confronté à la réalité de la vie. J’envie ceux qui vivent sans se poser de questions. C’est peut être mieux ainsi…