Je vous parlais dans un récent article de double exceptionnalité, quand on conjugue un haut potentiel intellectuel et un trouble. Car oui, c’est possible. Ce n’est pas toujours le cas, mais ce n’est pas incompatible non plus. Parmi ces troubles, il y a les troubles DYS.
Mais c’est quoi, exactement, un trouble dys ? Dyslexie, dyspraxie, dysphasie, dyscalculie, dysgraphie, comment ça se manifeste ? Comment les détecter ? D’où ça vient ? Comment apprendre à lire, écrire, compter ou effectuer les gestes du quotidien avec des troubles dys ? Comment grandir avec cette différence ?
Je suis partie enquêter dans le monde des DYS avec mes stylos et mes pinceaux. Je vous emmène avec moi, entre vulgarisation et témoignages.
Les troubles dys, c’est quoi ?
On a encore du mal à comprendre exactement d’où viennent les troubles dys. Ce qu’on sait, c’est que tout tourne autour du cerveau. Le cerveau, c’est le centre de contrôle de notre corps. Il dirige nos fonctions vitales, nous permet de prendre conscience du monde qui nous entoure grâce à nos sens. Il réunit et analyse toutes les informations que l’on reçoit, et nous permet d’y réagir. Il commande nos mouvements et leur coordination, notre langage, nos réflexions. Il pilote nos décisions, notre raisonnement.
Pour cela, le cerveau est divisé en zones. Chacune à son rôle.
Elles communiquent entre elles en permanence afin que l’on agisse et réagisse en accord avec notre environnement.
Il y a en particulier une zone dédiée au langage, une dédiée à la planification, au calcul, à la coordination, à la vision, etc.
Quand on a un trouble dys, c’est qu’il y a un dysfonctionnement dans un endroit du cerveau. Par exemple, un dysfonctionnement au niveau de la zone du langage pourra résulter en une dyslexie. Un dysfonctionnement dans la zone des chiffres en dyscalculie, et ainsi de suite.
Attention, un dysfonctionnement dans le cerveau ne veut pas dire déficit d’intelligence. Une personne avec un trouble dys a une intelligence normale. Dans le cas de la double exceptionnalité, elle a même une intelligence supérieure. Un dysfonctionnement dans une zone précise de son cerveau perturbe son apprentissage dans ce domaine-là, mais n’impacte pas son intelligence ni sa capacité à effectuer d’autres tâches.
La Dyslexie
Prenons l’exemple de la dyslexie, le trouble dys a priori le plus répandu.
Il s’agit d’un trouble qui impacte l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Pour comprendre la dyslexie, il faut comprendre le processus de lecture. On lit d’abord avec nos yeux.
La fovéa est la zone ou se fait la majeure partie de la reconnaissance des mots. Quand le dessin des lettres arrive dans cette zone, la fovéa se fixe dessus pour transmettre l’information avec fidélité au cerveau. La vision périphérique permet, elle, de reconnaître des mots qui nous sont familiers, sans s’arrêter dessus.
Les signaux repérés par notre acuité visuelle sont ensuite envoyés à l’aire visuelle du cerveau. Les neurones vont alors identifier les lettres, et les assembler, pour reformer le mot.
Mais cela ne s’arrête pas là. Une fois que le cerveau a reformé le mot, il faut ensuite en comprendre le sens et le prononcer. Pour cela, on va le décoder en passant soit par la voie phonologique (par les sons) soit par la voie lexicale (par le vocabulaire).
C’est souvent à ce niveau-là qu’une personne dyslexique est embêtée. Elle va dépenser énormément d’énergie à décoder les mots, car il y a un dysfonctionnement sur l’une des deux voies. Lorsque c’est la voie phonologique qui est touchée, on n’arrive pas à mettre le bon son sur la bonne lettre, car le cerveau a du mal à identifier le dessin des lettres, surtout lorsqu’elles se ressemblent.
Lorsque la voie lexicale est touchée, c’est la prononciation du mot qui permettra d’en comprendre le sens.
Si l’un des ascenseurs est hors service, l’apprentissage sera plus long puisque chaque mot que l’on cherche à décoder devra attendre de pouvoir passer par le seul ascenseur en fonctionnement.
C’est long, et ça demande beaucoup d’énergie à la personne dyslexique.
Énergie qu’elle ne pourra pas dépenser ailleurs, et qui pourra ralentir d’autres apprentissages.
La dyslexie, ou autres troubles dys, c’est pour la vie ?
Ce trouble ne se soigne pas, mais le cerveau étant plastique, on peut rééduquer et récupérer des fonctions. Avec une prise en charge et des exercices adéquats (souvent chez l’orthophoniste), une personne dyslexique peut trouver une certaine fluidité dans sa lecture et son écriture.
Les autres types de troubles DYS
Dysgraphie :
La dysgraphie va souvent de pair avec la dyslexie et/ou la dysorthographie, mais concerne exclusivement le geste d’écriture. L’enfant comprend mais n’arrive pas à retranscrire l’information par écrit. Il n’arrive pas à écouter et écrire en même temps, est beaucoup plus lent que les autres élèves, et son cahier présente de multiples ratures (ou rayures!).
Dysorthographie :
il existe deux types de dysorthographie. La dysorthographie de développement, qui est innée. On naît avec cette difficulté. Et la dysorthographie acquise, qui, elle, fait suite à un traumatisme.
J’avais été touchée par le message d’une jeune lectrice de Rayures et Ratures. Elle avait été détectée surdouée après un test de QI mais n’y croyait pas, car elle faisait beaucoup de fautes d’orthographe. Cela résultait d’un réel trouble dys identifié, mais elle était persuadée qu’il prouvait un déficit d’intelligence.
La dysorthographie peut être la difficulté à associer un dessin de lettres à un son, à mémoriser les mots, même les familiers. On peut confondre des homonymes, ou penser que deux mots n’en font qu’un à la prononciation. On a du mal avec la grammaire, la conjugaison, la syntaxe.
Le dysfonctionnement a lieu au niveau de la représentation mentale du mot.
Et c’est pas une question de volonté.
Dysphasie :
La dysphasie est un trouble du langage oral. Il existe plusieurs cas de figure. Il peut y avoir une difficulté à comprendre ce qui est énoncé oralement, ou à l’inverse une difficulté à s’exprimer.
C’est un trouble handicapant pour la vie sociale, à haut risque d’isolement.
Dyspraxie :
La dyspraxie est un trouble de coordination des gestes. Des mouvements qui paraissent basiques pour la plupart des gens sont très difficiles à effectuer pour les personnes dyspraxiques. Par exemple : faire ses lacets, remplir un verre, lancer un ballon dans un panier, ou reproduire une figure dans un exercice d’école. Tout ce qui demande de la motricité fine est compliqué. On dit souvent de ces personnes qu’elles sont maladroites. En mettant ces comportements systématiquement sur le dos de la maladresse, on peut passer à côté d’un trouble dys.
Une personne dyspraxique dépense énormément d’énergie à se concentrer pour effectuer ces gestes que l’on fait automatiquement. La commande d’un geste avec l’intensité et la précision qui permettent d’atteindre un objectif défini résulte de tout un processus. Un peu comme un circuit de billes. Dès qu’il y a le moindre petit dysfonctionnement dans ce circuit, cela perturbe les gestes, leur intensité ou leur précision.l
Dyscalculie :
La dyscalculie est une difficulté dans la capacité à comprendre ou à manier les chiffres. Il n’est pas simplement question de calcul mental. Une personne avec une dyscalculie a du mal à se représenter les nombres. La difficulté à les identifier et à les comparer rend impossible toute opération mathématique.
Mais des astuces peuvent être mises en place pour faciliter l’apprentissage et contourner les obstacles.
<< Dans un témoignage à venir, Elliott, un petit garçon avec une dyscalculie, partage l’une de ses méthodes pour apprendre à reconnaître les chiffres puis compter.>>
Le TDAH
Le TDA/H, c’est le trouble d’attention avec ou sans hyperactivité. Je ne suis pas certaine qu’il soit inclus dans les troubles dys, cela ne semble pas faire consensus auprès des professionnels interrogés. Je le mentionne donc ici, je trouve qu’il a sa place, mais un article plus complet dédié à ce sujet arrive bientôt !
Multi-dys : quand on cumule les troubles DYS
Il n’est pas rare qu’un enfant cumule plusieurs troubles dys. Selon l’inserm, 40% des personnes dys ont plus d’un trouble. Cela rend la situation encore plus difficile, car le tableau n’est pas franc. Il est nécessaire de réaliser alors un bilan très complet car les stratégies de compensations que l’on proposera à l’enfant pour apprendre ne seront pas les mêmes. Elles devront prendre en compte toutes ses difficultés, et surtout toutes ses capacités.
Quand on est « multi dys », on est parfois détecté à l’âge adulte seulement, tant le diagnostic est difficile quand tout se mêle.
L’importance du diagnostic
Les troubles dys sont des troubles spécifiques de l’apprentissage. Ils ne se soignent pas, mais, comme dans l’exemple de la dyslexie, ils peuvent s’atténuer avec une bonne prise en charge.
Les enfants qui ont des troubles DYS non détectés sont souvent en souffrance. On leur reproche d’être distraits, d’avoir des problèmes de comportement, de ne pas être attentifs ni intéressés. On entend souvent que c’est un trouble à la mode, qui « excuse le comportement de tous les enfants agaçants ». Oui, j’ai vraiment lu ça quelque part. Je vous explique ce que je pense de cet « effet de mode » dans cet article, valable pour le HPI et pour les troubles DYS. Effet de mode ou pas, il est crucial de ne pas passer à côté d’un diagnostic de trouble DYS si l’enfant (ou adulte) est en souffrance.
Parce que la plasticité du système nerveux fait qu’une remédiation est possible. Un enfant avec un trouble dys n’apprendra pas de la même manière que les autres enfants, mais il pourra apprendre quand même. Avec un diagnostic, on peut l’aider à trouver des stratégies pour compenser, à utiliser d’autres ressources pour apprendre. Ainsi, on s’occupe de ses difficultés plutôt que de lui en ajouter une.
Avoir un diagnostic permet aussi de mettre en place des projets d’accueil individualisés à l’école. L’enfant pourra ainsi bénéficier d’un ordinateur par exemple pour écrire au clavier, ou d’un tiers temps pour les examens. Les ajustements ont pour objectif de contourner la difficulté pour lui permettre de conserver de l’énergie pour l’apprentissage de toutes les notions, et d’éviter qu’il se retrouve en échec scolaire.
Comment diagnostiquer les troubles DYS ?
Mais du coup, comment diagnostique-t-on les troubles DYS ?
On repère souvent les troubles dys dans le milieu scolaire, lorsque l’enfant a entre 4 et 8 ans. Si le corps enseignant soupçonne une dyslexie, dyscalculie ou autre, il est important de proposer à la famille de faire un bilan afin de poursuivre cette piste et d’aider l’enfant.
Le bilan dépend du type de trouble. En premier lieu, il convient de consulter son médecin afin d’écarter une pathologie pouvant se répercuter sur les apprentissages. Le médecin ou un autre professionnel de santé pourra ensuite orienter vers le type de bilan nécessaire. Il peut y avoir par exemple un bilan chez l’orthophoniste, chez l’ergothérapeute, le/la neuropsychologue, etc.
Les bilans sont moins un examen qu’un ensemble de tests assez ludiques. L’objectif est de déterminer avec précision de quel type de trouble DYS souffre l’enfant (ou l’adulte), ainsi que s’il y a une double exceptionnalité.
Plus le diagnostic est précis, plus on pourra proposer des stratégies de compensation efficaces pour permettre à l’enfant de réussir ses apprentissages. Un diagnostic permet à la fois de donner à l’enfant des ressources pour ne plus être en difficulté, et d’expliquer son comportement et ses besoins associés à l’équipe enseignante.
Le but est que l’enfant gagne en autonomie grâce à de nouvelles manières de faire, adaptées à son fonctionnement à lui.
Quelques ressources et ajustements pour les DYS
J’ai demandé à quelques parents, enseignants et thérapeutes de partager leurs petites astuces du quotidien pour faciliter l’autonomie de l’enfant porteur de trouble dys. Ces petites astuces paraîtront anodines ou évidentes pour beaucoup, peut-être, mais peuvent réellement changer la vie de ceux qui ne savent plus quoi essayer.
Ce sont des petits détails qui permettent d’être plus à l’aise, plus autonome, et donc de gagner en confiance.
Les petites astuces pour faciliter la vie avec des troubles dys :
Et voici quelques sites ressources pour des activités qui facilitent l’apprentissage :
Pour des informations sur les protocoles personnalisés, les aides possibles, l’administratif ou les bilans : la Fédération Française des DYS.
Le cartable fantastique, une association autour de la dyspraxie avec de nombreuses ressources.
La série de livres Dyscool aux editions Nathan
Un fichier de français adapté aux troubles spécifiques de l’apprentissage
Un album jeunesse sur la dyslexie, aux Editions Tom Pousse
J’élargirai cette liste au fil de mes découvertes, n’hésitez pas à partager des ressources en commentaire !
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12 Comments
Bonsoir je viens de prendre connaissances de ton article et il me semble que c’est là dysorthographie qui va de pair avec la dyslexie. Bonne soirée
Oui, il s’agit en fait des trois : dysgraphie, dyslexie et dysorthographie vont souvent ensemble, mais pas toujours 🙂 Merci !
Merci, pour ta réponse. ,Du coup, rien n’est simple, il faut vraiment investiguer afin de ne pas écarter certains dys ou un hp qui pourrait être masqué par le ou les troubles. C’est une bonne chose de mettre en avant qu’une personne peut avoir un trouble des apprentissages et être hpi, il faudra juste trouver le bon professionnel lors de la détection ou de la pose du diagnostic. J’ai lu un raticle qui explique que la musique aide les dyslexiques et participe à la rééducation. Merci pour tes articles très instructifs !!
J’ai l’impression que c’est bien concernat la musique ❤
J’ai l’impression que c’est bien ça concernant la musique ❤
Coucou,
Très sympa cet article ❤️
Ma fille n’est pas encore diagnostiquée mais ça me parle bcp
Merci Estelle, pensée pour ta fille et ses besoins spécifiques !
Super article !
Il y a aussi le site de jeu hoptoys qui propose plein de jeux et accessoires adaptés
Oh oui !! Comment j’ai fait pour l’oublier ! Je vais l’ajouter sur la page 🙂
Bonjour,
Comptez-vous parler du TSA?
Bonne journée
Bonjour,
Je vous parle de mon expérience personnelle.
J’ai une fille TDAH / dyslexique / dysorthographique / dysgraphique et dyscalculique.
Il me semble que le TDAH est un trouble à traiter à part.
Pour ce qui concerne les troubles dys, effectivement s’ils sont multiples il faut plusieurs années pour un diagnostic complet.
Un grand merci pour votre site Chloé, j’y aime tout. Le design, les illustrations et évidemment le contenu 🙂
Bonjour,
Merci beaucoup pour votre message 🙂 Effectivement, le TDAH est à traiter à part, et regorge lui-même de spécificités ! Je suis en train de m’y plonger. Je suis contente que votre fille ait pu être diagnostiquée, c’est en effet vraiment difficile d’avoir le diagnostic complet avec tout ce qui se masque.
J’espère qu’elle a pu trouver des ressources pour avancer avec toutes ces particularités !
Chloé