Retour sur un diagnostic tardif de TSA et TDAH, 10 ans après avoir été identifiée HPI.
J’ai envie de vous en parler depuis plusieurs semaines, mais j’attendais la validation du psychiatre. Aujourd’hui je suis prête.
10 ans après mon premier bilan, je suis retournée chez une neuropsychologue pour de nouveaux tests. Mais cette fois-ci, me voilà avec deux nouvelles données sur moi-même. Les troubles du spectre autistique (TSA) et les troubles de l’attention avec hyperactivité (TDAH).
Et je ne l’avais pas tout à fait vu venir.

Ce nouveau bilan ainsi que des discussions avec des lecteur.ices de Rayures et Ratures ayant récemment eu un diagnostic tardif TSA TDAH HPI 10 après ont fait émerger 1000 questions.
- Est-ce que le fait d’avoir été identifiée HPI a retardé mon diagnostic de TSA/TDAH ?

- Est-ce que j’aurais pu m’en rendre compte avant ?
- Est-ce que les spécialistes consultés depuis mon enfance auraient pu s’en rendre compte avant ?
- Et puis ça se manifeste comment, qu’est-ce qui est lié au TSA, qu’est-ce qui est lié au HP ? Qu’est-ce qui est lié au TDAH, et puis aussi à l’histoire de vie, aux pathologies, etc ?
- Qu’est-ce qui impacte mon quotidien finalement ?
- Est-ce que ça sert à quelque chose d’avoir ces nouvelles étiquettes ?
Je vais répondre à tout cela (en plusieurs articles rassurez-vous). Et pour commencer laissez moi vous apporter un peu de contexte.
Pourquoi j’ai fait un bilan neuropsychologique en 2015
En 2015, je consulte une psychologue avec une demande précise : comprendre pourquoi j’ai envie de changer de travail tous les 3 à 6 mois.
Pourquoi je m’ennuie si vite, et pourquoi je n’arrive pas à trouver satisfaction au niveau professionnel.
J’ai l’impression que le monde de l’entreprise convient à toutes les personnes que j’y croise. Je n’arrive pas à m’y faire et je me dis que j’ai un problème. Je cherche à en savoir plus sur moi afin de résoudre ce problème et trouver LE métier que je pourrais faire jusqu’à la fin de ma vie. Celui qui me rendra heureuse. Belle utopie. Mais je ne le sais pas encore.

Là, je tombe sur une psychologue à qui je raconte une partie de mon vécu, mais une partie seulement. Je passe sous silence ce qui est trop difficile ou qui n’a, à mon sens, aucun lien avec ce pour quoi je suis là. Car j’en ai vu beaucoup d’autres, des psychologues et des psychiatres avant. Là, je venais pour autre chose. Je lui parle néanmoins de mes soucis de santé, non diagnostiqués à l’époque si ce n’est un stress post traumatique et des infections respiratoires et digestives à répétition.
Assez rapidement, elle me propose de passer un test « de précocité intellectuelle ». Je ne m’attends à rien de particulier, je crois que j’ai confondu ça avec un test d’orientation ! Et heureusement, finalement. J’y vais les mains dans les poches, et après 4 x 1h de bilan, j’ai le résultat. Elle me parle de haut potentiel intellectuel, ou HPI.
Tout ce que je comprends sur le moment, c’est que j’ai le droit de m’intéresser à plein de choses. Que je peux m’épanouir dans plusieurs voies professionnelles. Qu’on n’attend pas de moi que je suive le chemin typique forcément. Et surtout, qu’il y a plein d’autres personnes qui réfléchissent comme moi.

Ce que la découverte du HPI m’a apporté
Avec du recul, ce que le bilan de 2015 m’a apporté, c’est de la confiance.
En mes capacités, en ma place dans le monde, et même en l’avenir.
Car je sais que j’ai la capacité de rebondir (et la vie n’a pas tardé à me le prouver).
Cela m’a apporté également la validation. Je me suis autorisée à explorer d’autres chemins que celui que je connaissais. À garder du temps pour mes multiples intérêts sans culpabiliser, et sans me dire « tu as mieux à faire », car si je ne nourris pas ma curiosité je meurs.

Je me suis aussi autorisée à ressentir mes émotions aussi intenses soient-elles. À l’époque, on reliait l’hypersensibilité au haut potentiel et on expliquait ma sensibilité tant au niveau des sens que des émotions soit par le HPI soit par le stress post traumatique. Toujours est-il qu’avoir des mots ou une explication m’a permis de comprendre que ces émotions n’étaient pas là pour rien. J’ai arrêté de lutter contre, et pour être honnête, je ne me sens plus hypersensible au niveau émotionnel maintenant.
Tout cela m’a apporté beaucoup d’explications sur mon propre fonctionnement aussi.
Pour en savoir plus sur le haut potentiel intellectuel c’est ici.
Au-delà de la notion de haut potentiel, ce sont les résultats dans les différentes catégories qui m’ont permis de repérer mes points forts sur lesquels m’appuyer afin de compenser mes difficultés. J’ai découvert que j’avais beaucoup de ressources dans divers domaines, et j’ai décidé de les utiliser pour m’épanouir.

Pourquoi retourner faire un bilan neuropsychologique 10 ans après, alors ?
Pendant 8 ans, ma vie professionnelle s’est doucement réalignée. Me libérer du jugement de l’autre en osant prendre un chemin moins conventionnel que le CDI que j’avais a été compliqué, mais j’ai réussi. Mes soucis de santé sont devenus de plus en plus handicapants, et je me suis appuyée sur mes ressources pour trouver un équilibre. J’ai commencé à écrire, dessiner, et traduire tout ce que j’apprenais en BD. J’ai créé ma petite entreprise d’édition, publié mes livres et dessiné des BD de vulgarisation pour des structures publiques et privées. Tout cela depuis chez moi, en fonction de ma forme physique (et mentale).
Et puis en 2022, j’ai eu un petit garçon.

Entre la fatigue liée à mes pathologies chroniques, la fatigue de la maternité et le manque de temps pour soi et les apprentissages qui me nourrissent, j’ai explosé. J’ai perdu toutes mes stratégies d’adaptation que j’avais inconsciemment créées depuis 32 ans.
La maternité a fait remonter ce que j’avais soigneusement tu à tous les psy rencontrés précédemment. La fatigue chronique s’est intensifiée. J’ai développé de nouveaux symptômes neurologiques handicapants, et j’ai commencé à faire de plus en plus de “crises convulsives”. Physique, psychique, tout s’entremêle, car tout s’alimente.
Je vous promets que j’essaye de résumer tout cela mais ce n’est pas chose facile tant c’est complexe. En 2024, on me diagnostique des troubles neurologiques fonctionnels en plus de mes autres pathologies, qui expliqueraient mes crises convulsives ainsi que les paralysies de mes membres inférieurs en fin de journée. En attendant d’être prise en charge dans un service spécialisé, je consulte un psychiatre afin de savoir s’il peut m’aider. Petit à petit, il me parle du TDAH « évident » chez moi, et du fait que la mise en place d’un traitement pourrait contribuer à réduire ma fatigue chronique. Je suis preneuse de toute astuce, alors je suis d’accord pour explorer cette piste.

Il n’existe pas de test officiel et standardisé pour diagnostiquer le TDAH. Le psychiatre me dit que suite à l’entretien clinique, au remplissage d’un questionnaire et à ses observations, c’est évident. Mais pour prescrire un traitement, il souhaite aller plus loin et m’envoie faire un bilan neuro psychologique et attentionnel plus complet.
L’idée de ce nouveau bilan, 10 ans plus tard, était donc simplement de confirmer son ressenti pour les troubles de l’attention.
Dans le prochain article (très vite promis) je vous raconterai comment ça s’est passé et ce qu’il en est ressorti 🙂

15 Comments
J’ai très hâte de lire la suite ! Même si je dois reconnaître que j’éprouve une petite pointe de dépit (OK, plus tôt un IMMENSE dépit…) de constater que tu t’es posé la question d’un TSA bien après moi, et que tu as déjà une réponse, alors que mon dossier est toujours sur liste d’attente au CRA (depuis plus de 4 ans maintenant : trois ans en Centre Expert, mais comme j’ai déménagé entre temps, mon dossier a été transféré au CRA de ma ville actuelle ; j’ai demandé à être reçue rapidement (on m’avait quand même annoncé trois ans d’attente supplémentaires !), on m’a effectivement proposé un RDV quelques mois plus tard, mais j’étais alors hospitalisée, alors j’ai ajourné. Une fois remise sur pied, j’ai prévenu le CRA, on m’a dit de patienter et… j’attends encore).
En plus, les psychiatres qui m’ont vues récemment ont émis de sérieux doutes quant à cette hypothèse diagnostique – il faut dire que le post-traumatique et surtout les dépressions sévères récurrentes, dont on ne sait toujours pas avec si elles sont les manifestations d’un trouble bipolaire ou pas, étaient largement sur le devant de la scène…), alors qu’elle est revenue à trois reprises dans des services de psychiatrie de ma ville précédente, alors, je ne sais plus du tout où j’en suis, et surtout, je ne me sens plus du tout légitime dans ce questionnement, presque honteuse…
Bref, vive la psychiatrie publique en France. Heureusement que l’on a fait de la santé mentale la grande cause nationale 2025, ce n’est pas du tout comme si on attendait toujours des annonces et des avancées concrètes…
Je compatis tellement pour l’attente au CRA…
Cela ferait l’objet d’un article à part entière, j’ai l’impression qu’il y a une grande différence de traitement entre la personne qui se pose des questions et voudrait en savoir plus en consultant les psychiatres spécialisés (au CRA), et la personne à qui l’on suspecte un TSA et qui est donc réorientée immédiatement par les médecins. On m’a réorientée dans le privé, j’ai donc eu seulement quelques mois d’attente (environ 1 an entre le début du questionnement par le psychiatre pour le TDAH et le bilan), mais ça a un (sacré) coût financier. Pour distinguer ce qui relève du stress post traumatique complexe et du TSA, on m’a réorientée vers un service spécialisé du CRA mais là aussi c’est plusieurs années d’attente. Je ne sais pas trop si ça pourrait me servir de savoir ce qui est lié à quoi, sachant que j’ai les deux et que ça c’est validé (ok j’ai spoilé le prochain article haha).
J’espère sincèrement que tu seras reçue au plus vite et que tu pourras obtenir des réponses. Bon courage à toi pour l’attente, et je compatis pour ton questionnement sur la légitimité…
Merci Chloé pour ta réponse, mais je ne sais pas d’où vient cette idée que l’orientation vers un CRA ou le libéral serait liée au sérieux de la suspicion diagnostique : les personnes adressées aux CRA ou au Centre Expert le sont par des médecins, c’est en tout cas un psychiatre qui a rempli une partie de mon dossier, et cela est obligatoire (ça peut aussi être le fait du médecin traitant je crois, mais je ne suis pas certaine de ce que j’avance). Ce qui détermine le fait qu’une personne attende des années une évaluation diagnostique dans le public, c’est plutôt effectivement le coût, ainsi que la disponibilité des praticiens en libéral… Et on ne demande pas, a priori, une évaluation diagnostique uniquement parce qu’on se pose des questions et qu’on veut en savoir plus : c’est parce qu’on rencontre de réelles difficultés et qu’on a besoin d’aides concrètes (accompagnement psychothérapeutique adapté, RQTH pour des aménagements au travail…)
Oui pardon je me suis mal exprimée je pense. En fait, pour ma région il y a un dossier à faire remplir par le médecin (oui c’est possible aussi par le médecin traitant je confirme, je comptais demander à mon médecin avant de savoir que mon psychiatre connaissait bien le sujet) pour ensuite être redirigé vers le CRA. Les délais sont très longs car il y a un gros manque de moyens et de plus en plus de personnes (car les connaissances ont évolué et on le reconnait mieux). Quand on est dans ce circuit-là, c’est long.
L’autre circuit dont je parle, en m’exprimant mal tout à l’heure, quand je disais « quand la suspicion vient du psychiatre directement », ce n’est pas par rapport au sérieux mais au fait que si le/la psychiatre suspecte ça chez nous, c’est qu’iel est a priori assez spécialiste du sujet, et souvent il est donc capable de faire lui-même la validation du diagnostic a partir d’un bilan neuropsychologique passé dans le privé. Il a ses contacts aussi, et c’est pour cela que c’est plus rapide. Je ne sais pas si c’est plus clair ?
Je trouve ça tellement injuste que ce soit si long car après les années d’attente diagnostique il y a aussi les années d’attente pour la MDPH (quoi que c’est possible de faire la demande avant, car c’est sur l’impact au quotidien, mais je pense qu’avec un diagnostic ça appuie le dossier).
Merci Chloé pour ces précisions ! Oui, en ce qui me concerne, l’hypothèse diagnostique a été avancée par des psychiatres de services hospitaliers publics, qui étaient sans doute plus au fait des caractéristiques de l’autisme que ceux de ma ville actuelle (c’est ainsi que j’explique que les discours soient si discordants : je suis dans le Sud désormais, et tout le monde en doute, alors que c’est quand même revenu à trois reprises dans un premier temps !), car c’était à Strasbourg, et la proximité avec l’Allemagne leur accorde une petite longueur d’avance, je crois… Je ne suis pas certaine qu’ils connaissaient des praticiens en libéral, et de toute façon, comme ma première réaction a été de les envoyer balader en leur assurant qu’ils me racontaient n’importe quoi, la question d’aller plus loin ne s’est pas posée à ce moment-là
À vrai dire, étant donné que j’ai un cadre et un rythme de vie qui me permettent pour l’instant d’avoir un contrôle presque absolu sur mon environnement (bref, de limiter autant que nécessaire les stimulations sociales et auditives, et de consacrer beaucoup de temps à mes intérêts), et que dans le doute, je me dirige vers une voie professionnelle qui me permettra de les maintenir (j’ai également déjà une RQTH pour mes autres soucis de santé mentale), le questionnement quant à un TSA n’est plus au premier plan. Je suis beaucoup plus inquiète de savoir si je souffre d’un trouble bipolaire ou pas, car avant l’introduction d’un nouveau traitement qui m’a enfin stabilisée, j’ai connu de terribles effondrements dépressifs tous les trois/quatre mois ces quatre dernières années (une phase haute également, très difficile à vivre aussi, mais moins terrifiante que les dépressions – enfin, c’était avant que je sache qu’une phase haute était presque systématiquement suivie d’une dépression bien costaud…), et le dernier n’a pas été bien soigné, ce qui a très concrètement failli me tuer…
Finalement, aujourd’hui, tout ce pourrait m’apporter un diagnostic d’autisme, il me semble, c’est de pouvoir renoncer à certains de mes projets passés sans éprouver trop de regrets…
*plutôt un IMMENSE dépit
(petit correction orthographique)
*les psychiatres qui m’ont vue récemment
(deuxième petite correction…)
Merci et… enfin ! Je suis votre blog depuis le début, car je suis preneuse de tout ce qui peut m’aider dans l’éducation de mes jeunes, HPI / TDAH / … et j’ai découvert il y a quelques années déjà que ces « troubles » étaient malheureusement liés (« comorbidité »). Jusqu’ici, à part acheter vos livres, les laisser traîner à la portée de mes jeunes (merci pour les dessins !), et en parler en famille, votre blog « n’était qu’une » ressource pour moi, afin d’accepter la tribu atypique que mon homme (HPI, TDAH) et moi avions formée. Je suis heureuse (pour vous, pour nous) que vous ayez fait le lien HPI- TDAH – TSA, dont je ne sais s’il est systématique ou pas. Perso, mes filles majeures ne se sont pas lancées dans le diag de TSA (2 ans d’attente en théorie) mais travaillent à trouver des contournements pour chaque situation et s’accepter elles-mêmes. Pour mes 2ados, je m’en tiens au TDAH (et dys-) en espérant fort qu’ils ne rencontrent pas davantage de difficultés ! J’ai hâte donc, de vous lire ! Et je vous souhaite de vivre à fond, malgré les difficultés.
Merci pour ce message 🙂
Je ne pense pas que ce soit le cas de tout le monde, on peut tout à fait avoir un HPI sans trouble associé. Mais je pense que les personnes qui consultent mon blog régulièrement car elles ont d’autres difficultés ou un profil assez sensible masquent peut-être un TSA ou TDAH ou autre effectivement. Rayures et Ratures rassemble peut-être les personnes ayant une « double exceptionnalité » finalement ! Quelle qu’elle soit.
J’essaierai d’étayer ma réflexion à ce sujet !
Sacrée annonce, cela nous pousse à porter un autre regard sur tous tes articles…
Oui, quel chamboulement 😉
Les articles dans lesquels je partage des bouts de mon témoignage seront vus différemment oui (je vais les éditer avec les nouvelles données je pense) mais la majorité qui est de la vulgarisation est sourcée et pas centrée sur mon vécu donc pas d’inquiétude, c’est toujours OK.
Mais patience j’en dévoile un peu plus dans les prochains articles.
Oui, c’est vrai, je pensais surtout aux articles plus « témoignage personnel ».
Il me tarde de découvrir l’article de ce we !
Je trouve ça fou tout de même le nombre de HPI diagnostiqués tardivement, qui se découvrent des TND. Cela confirme que le HPI seul est rarement la cause de ses difficultés, et que lorsqu’on entame une démarche de diagnostic adulte, il faut souvent explorer plein de pistes pour comprendre l’origine de ses pb…
Je ne peux pas répondre sans spoiler les prochains articles haha
Merci Chloé d’avoir repris la plume (ou le clavier plutôt) pour nous partager ton expérience et tes questionnements. Quelle synchronicité (orthographe??) aussi! Diagnostiquée HPI depuis plusieurs années, j’ai découvert un TDAH « très compensé » il y a 3 mois et je suis tombée des nues ! La compensation me demande beaucoup d’énergie et quand la charge annexe est trop importante (travail, famille, société, écologie, …), je ne m’en sors plus.
Depuis, les questions se succèdent : qu’est-ce que je compense exactement et comment ? Comment je peux économiser mon énergie ? Médicaments ou pas ? Si oui lesquels et pourquoi ? Qui je suis vraiment et comment je fonctionne en fait ? Qu’est-ce qui est lié au HPI ? Au TDAH ? À mon éducation, mon parcours, etc? Est-ce important de le savoir ? Etc etc etc
Ton blog m’avait déjà beaucoup aidée pour le HPI, alors j’ai hâte de lire les prochains articles !
Comme je comprends tous ces questionnements 🙂