Où, quand, comment et surtout… pourquoi ?
J’ai toujours été un peu mal à l’aise avec les « rencontres entre surdoués ».
Je n’en voyais au départ pas l’intérêt, j’avais peur du côté sectaire. Puis lorsque l’occasion s’est présentée de rejoindre un groupe le temps d’une soirée, j’ai accepté. Par curiosité, et peut-être pour voir ce que ça faisait d’être « avec des gens comme moi ». En fait…
J’étais invitée pour partager mon travail, mes dessins, je m’attendais à une soirée d’échanges stimulants et créatifs. Je me suis retrouvée dans un évènement assez cliché, à supporter les remarques arrogantes face à la naïveté de mes dessins, les jugements acerbes, les comparaisons de chiffres de QI, et la supériorité des intérêts scientifiques sur les intérêts littéraires et artistiques. Cette expérience m’a laissée perplexe.
Pendant plusieurs années, j’ai donc refusé toute nouvelle participation à ce type de groupe. J’avais un avis très tranché et négatif sur ce sujet des rencontres entre surdoués. Je me disais que ces groupes n’étaient peuplés que de personnes cherchant à gonfler leur égo ou à déverser toutes leurs difficultés dans une pièce, en s’enfermant dedans.
Pourtant, échanger quotidiennement avec les lecteurs de Rayures et Ratures me faisait beaucoup de bien. Sans m’en rendre compte, j’avais aussi créé un “groupe de rencontres entre surdoués” virtuel, ou du moins un groupe de personnes dont les sensibilités se comprennent. J’ai commencé à revoir mon jugement sur ces rencontres.
Sans mettre forcément de mot sur ce qui nous relie, nos complexités se parlent et ça devient naturel. On m’a toujours dit que j’étais compliquée. Là, c’est fluide, facile, reposant.
Rayures et Ratures
Et puis en décembre 2021, j’ai été invitée par une psychologue lyonnaise, Angélique, à participer à un groupe de thérapie pour des adolescentes, toutes HPI. Ma perception a vraiment changé à ce moment-là. Leur complicité, leur capacité à s’entraider et à se comprendre m’ont profondément touchée. Et j’ai eu envie d’écrire cet article.
Une quête d’identité
Lorsque l’on vient d’apprendre notre douance, que l’on commence tout doucement à intégrer cette réalité à notre identité, le monde semble parfois basculer. On s’est souvent senti différent, isolé, parfois même incompris. On comprend maintenant que c’est peut-être lié, en partie, à la douance. C’est à ce stade que le besoin de rencontrer des personnes « comme nous » peut devenir impérieux. Des personnes qui comprennent notre fonctionnement, notre sensibilité, notre rapidité d’esprit.
Ces rencontres sont souvent salvatrices. Elles aident à apaiser notre sentiment de solitude, à comprendre que nos particularités ne sont pas des anomalies, mais des facettes de notre identité. Elles offrent un refuge, un espace où être soi-même sans crainte de jugement ou d’incompréhension.
Mais au-delà de la quête d’identité, ces rencontres peuvent également être une source d’inspiration et d’apprentissage. L’échange avec d’autres HPI, le partage d’expériences, peut nous aider à mieux nous comprendre, à mieux comprendre notre douance et à développer des stratégies pour vivre au mieux avec notre haut potentiel lorsqu’on a des difficultés. Pour cela, il existe des sites de rencontre pour HPI comme Atypikoo ou rencontre-surdoue.com des associations comme l’AFEP, une multitude de groupes Facebook, mais également des groupes de rencontre entre “parents d’enfants HPI” selon les écoles et localités. Cela peut être utile pour partager des astuces du quotidien.
<< Psssst si vous êtes dans la région lyonnaise, je serai à la médiathèque du Rize à Villeurbanne le 16 septembre pour une rencontre, et le 23 septembre à la bibliothèque de Lyon 2 ! Nous pourrons échanger sur ce sujet, et partager nos astuces comme avec les témoignages de Rayures et Ratures 2 >>
Le danger de la « sectarisation »
C’est ce qui m’a longtemps fait peur. Si ces rencontres peuvent apporter beaucoup, il est tout de même essentiel de rester vigilant. Quand on est en souffrance, il est facile de s’enfermer dans un endroit qu’on trouve reposant. De ne pas réaliser que de reposant il devient étouffant. S’enfermer dans un cercle de personnes partageant le même fonctionnement cognitif peut créer une déconnexion avec le reste du monde. Cette bulle, aussi confortable soit-elle pour un temps, peut devenir limitante. A ne fréquenter que des personnes “comme nous”, cela peut entraver notre capacité à apprécier la diversité des expériences humaines.
Lorsque j’ai demandé à mes lecteurs ce qu’ils pensaient des rencontres entre surdoués, plusieurs m’ont fait part d’une expérience douloureuse. Ils étaient au début de l’apprivoisement de leur fonctionnement et de leur sensibilité lorsqu’ils ont rejoint les groupes. En plein chamboulement émotionnel, ils ont naïvement cru que toutes les personnes HPI seraient comme eux, sur tous les aspects. Et ils ont découvert que non. On peut être HPI et cruel, méchant, moqueur, pervers.
Il n’y a pas de profil type de personne surdouée. Nous avons des intérêts variés, des expériences différentes, des parcours de vie uniques. Être HPI ne garantit pas une compatibilité automatique. Ni une sécurité. Nous sommes plus que notre douance, et il serait réducteur (et même dangereux, cf l’article sur la sur-attribution) de se définir uniquement par celle-ci. De la même manière, un chiffre de QI ne garantit pas une entente sur le plan humain.
La richesse des rencontres, c’est aussi la diversité. S’ouvrir à des personnes aux parcours et aux fonctionnements différents du nôtre peut offrir des perspectives nouvelles, stimuler notre curiosité, enrichir notre compréhension du monde et de nous-mêmes. La clef, c’est l’authenticité.
La simplicité dans la complexité
Quand on est HPI, on nous dit souvent qu’on est “compliqué.e”. On nous reproche de faire des choix déroutants, d’être complexe ou atypique.
Il y a quelques semaines, je repensais à deux relations amicales qui me font du bien. Et j’ai réalisé que ce qui me plaisait, c’était la simplicité dans nos interactions. L’authenticité. Avec ces deux amies (et d’autres aussi), il y a une fluidité dans la communication, une compréhension intuitive, une facilité à se connecter sur un niveau plus profond.
C’est une expérience rafraîchissante et libératrice. Se retrouver à discuter pendant des heures de sujets passionnants, à partager des idées et questionnements, sans craindre d’être jugée ou incomprise. Il est réconfortant de se rendre compte qu’il est possible d’être soi-même, dans toute sa complexité, et d’être comprise. Evidemment, ce n’est pas exclusif aux personnes surdouées. Et toutes les complexités ne sont pas compatibles. Parfois, ça donne quelque chose d’encore plus complexe.
Mais de temps en temps, on peut trouver, dans ces groupes de rencontres entre surdoués, une personne avec laquelle on partage d’autres facettes de notre personnalité. Le courant passe. On reste en contact, en dehors du groupe. Et c’est agréable. Authentique. Tout simplement.
Finalement…
…l’expérience de la rencontre avec d’autres surdoués est quelque chose de très personnel. Il est essentiel de trouver le bon équilibre entre la quête d’identité, la volonté de s’entourer de personnes « comme nous », (dans un “nous” qui va au-delà du HPI) et la nécessité de rester ouvert à la diversité.
La clé réside peut-être dans le discernement et la bienveillance. Le discernement pour reconnaître les bénéfices et les limites de ces rencontres, pour ne pas se perdre dans une quête d’identité exclusive. La bienveillance envers soi-même, pour respecter son propre rythme, son propre parcours. La bienveillance envers les autres, pour apprécier la richesse de leurs différences, respecter leur rythme, et apprendre d’eux.
En conclusion : rencontrer d’autres personnes HPI quand on en ressent le besoin, ça fait du bien ! Cela peut permettre de se sentir moins seul, et d’avoir des relations simples, fluides. Il existe des associations, des sites de rencontre, des groupes de parole ou de thérapie. En fonction de ce que chacun recherche, on peut aller tester pour voir si l’ambiance nous correspond. Mais il faut garder en tête qu’une particularité cognitive ne garantit pas une compatibilité amicale. Et que c’est important de ne pas s’enfermer.
Et vous, cherchez-vous à rencontrer d’autres personnes HPI ? Si oui, pourquoi ? Je suis curieuse de connaître vos expériences et vos réflexions sur ce sujet 🙂
Je lirai avec plaisir vos anecdotes de rencontres,
Chloé
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3 Comments
Bonjour,
Pour ma part, je n’ai pas eu l’occasion de me retrouver dans ce type de réunions. Si j’en avais eu connaissance juste après mon identification, je m’y serais probablement intéressée dans ma recherche de moi-même et mon désir de comprendre le plus de choses possible sur le HP. Cependant, je ne suis pas sûre que l’expérience aurait été bénéfique. Me connaissant, une telle rencontre aurait créé énormément d’attentes, la plupart sans rapport avec le HP mais avec d’autres difficultés donc j’aurais inévitablement été très déçue.
Aujourd’hui, je crois que je n’ai pas de désir de me retrouver exprès avec d’autres personnes surdouées. Trouver des personnes qui ont les mêmes centres d’intérêts et s’y investissent avec autant de passion que moi, je signe tout de suite. Idem s’il s’agit d’entamer une discussion de plusieurs heures sur n’importe quel sujet (à l’oral ou à l’écrit), mais dans ce cas-là je préfère un tête à tête à un groupe.
Et puis même si je suis très régulièrement en contact avec des personnes non-HP, les personnes les plus proches de moi, c’est-à-dire mon mari, nos famille et amis (une quinzaine de personnes) sont HP. Pourtant lorsque je les ai connus, je n’avais aucune idée qu’ils l’étaient. Aucun d’eux. Je me suis simplement attachée à eux car nous avions des façons très similaires de penser la vie, la société, les relations.
Quoi qu’il en soit, je ne cherche pas à rencontrer d’autres personnes HP.
Lorsque vous dites « Sans m’en rendre compte, j’avais aussi créé un “groupe de rencontres entre surdoués” virtuel », ça me fait penser à la manière dont on se fait des amis : rencontrer de nouvelles personnes, échanger un peu et garder un contact plus ou moins important suivant comme le feeling passe.
Je pense que la majorité de vos lecteurs se sent en phase avec votre regard sur le monde (c’est clairement mon cas). Le fait que vos publications soient toujours empruntes de respect et de bienveillance attire les personnes qui cultivent ces qualités. Par conséquent, ce groupe est en grande majorité (en totalité ?) composé de gens compréhensifs et ouverts d’esprit.
Je suis persuadée que ce n’est pas le cas de tous les groupes, mais « groupe de rencontre HP », ça fait très « par des HP pour des HP », avec le risque de tomber dans l’élitisme et le sectarisme dont vous parlez. Je me dis que nous ne nous sommes pas retrouvés ici juste parce que nous sommes HP ou que nous en connaissons, mais parce que nous nous intéressons au HP, à la manière bienveillante dont vous en parlez. Alors nous possédons probablement certaines caractéristiques d’un groupe de rencontre HP, mais je crois qu’on ne se restreint pas à ça.
Au fond, tout dépend de la façon dont chacun définit ces « groupes » et ce qu’il y cherche.
En tout cas ici chacun est libre de lire et d’interagir à sa guise. Et qui dit plus de spontanéité dit peut-être moins de besoin de prouver qu’on est légitime d’exister dans le groupe, de montrer qu’on rentre bien dans la case HP. En gros, moins se mettre la pression.
(J’ai l’impression d’avoir paraphrasé votre article et enfoncé des portes ouvertes dans mon second paragraphe, pardon. Par ailleurs, c’est mon premier message ici, ne pas avoir dit d’ânerie, toutes mes excuses si c’est le cas, ce n’était pas volontaire.)
Merci beaucoup pour ce nouvel article, toujours aussi intéressant !!
C’est exactement ce que je ressens en lisant ce blog !
Merci pour cet article. C’est une expérience qui me parle puisque vécu plus ou moins la même chose, j’en suis arrivée à la conclusion que les étiquettes importent peu, que la tolérance prime. Et puis, nouvelle rencontre avec une personne très tolérante, mais « très peu vive » et l’impression d’être dans un bocal… Au final, j’ai réajusté tout ça, pensé que l’équilibre, c’était un peu de tout. Je ne cherche plus de rencontres « entre », je privilégie les rencontres « valeurs et intérêts communs ». Au plaisir de vous relire.