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Neurodiversité et people pleasing : quand vouloir plaire empêche d’être soi

23 juillet 2025

Je n’ai pas toujours su que j’étais neuroatypique. En revanche, j’ai toujours su que je ferais tout pour ne jamais déranger. Enfin, je crois.

Plusieurs fois cette semaine, on m’a dit que j’étais « gentille ». De la gentillesse qui s’approche de la naïveté. Et j’en suis consciente. Je suis gentille, arrangeante, souriante même quand ce n’est pas adéquat, à l’écoute et prête à aider. Je croyais que c’était juste ma personnalité.


gentillesse et neurodiversité

Tout récemment, alors que j’étais en pleine exploration de mon TSA nouvellement diagnostiqué, j’ai lu « Unmasking Autism« . J’ai alors compris que cette gentillesse venait peut-être de quelque chose de douloureux : une peur immense du rejet, du conflit, du malaise. Un besoin presque compulsif d’être aimée, même si ça voulait dire m’effacer.

Devon Price (l’auteur de Unmasking Autism) appelle ça le fawning. Je m’y suis retrouvée, mais je suis persuadée que ça ne parlera pas qu’aux personnes autistes. En français, on pourrait traduire par flagornerie. Un mot que je découvre et qui me fait beaucoup rire.

Flagorner (je ne sais pas si le verbe existe), c’est faire constamment des compliments, même si ce n’est pas authentique . C’est l’incapacité à dire « non ». Être une personne qui cherche à plaire.

J’ai eu envie d’en faire un article de blog, car que je suis convaincue qu’on est nombreux.ses à avoir grandi en croyant qu’il fallait plaire pour être en sécurité. Neurodiversité et people pleasing est un sujet qui m’a passionnée cette semaine.


People pleasing et fawning : une stratégie de survie à la neurodiversité

Quand on est autiste, ou simplement différent.e, on apprend très tôt à modifier nos comportements ou apparences pour être accepté.e, intégré.e. On observe, on copie. On fait semblant d’être à l’aise dans des situations où, intérieurement, on lutte.

C’est ce qu’on appelle le camouflage, un masque social qu’on porte pour paraître “normal·e”.
Pour moi et pour beaucoup d’entre nous, ce camouflage prend la forme d’un fawn.

Le fawn est une réponse au stress, au même titre que la fuite, la lutte ou la sidération (fight, flight or freeze). Ou selon d’autres experts, c’est une réponse au stress lorsque les 3 autres n’ont pas suffi.

Au lieu de fuir ou de se battre, on essaie de plaire, on va dans le sens de la personne en face, on devient “inoffensif.ve”. On essaie de faire en sorte que l’autre n’ait aucune raison de nous rejeter.

fight flight freeze fawn

Ce comportement peut être lié à l’autisme ou à un autre trouble de neurodéveloppement, mais pas forcément. Il peut de façon plus générale être lié à :

  • des vécus de rejet ou d’humiliation,
  • un attachement insécurisant dans l’enfance,
  • une grande sensibilité émotionnelle ou sociale.

Et il peut s’installer très profondément, au point qu’on ne le remarque plus.

Ce que l’on sacrifie en silence avec le people pleasing

Le problème, c’est que ce mécanisme de réponse au stress est très coûteux.
À force de plaire, on s’oublie. À force d’écouter, on ne dit plus rien de soi. On se construit une image si lisse que les autres ne nous voient plus vraiment.

Et c’est là que ça devient douloureux : on a l’impression que les gens aiment une personne que nous ne sommes pas vraiment.

neurodiversité et camouflage

Quand on masque toute la journée, autant au travail qu’en famille, il ne reste plus beaucoup de place pour vivre, créer, s’exprimer. On se sent épuisé.e, incompris.e, seul.e, malgré les relations qu’on entretient. Et parfois, on ne comprend même pas pourquoi.

Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

Je ne crois pas aux solutions toutes faites. Eh oui, c’est toujours beaucoup plus complexe. Mais je crois en ces premiers pas :

  • Essayer de reconnaître quand on entre en mode “fawn” : est-ce que je dis oui alors que j’aimerais dire non ? Est-ce que je minimise ce que je ressens ?
  • S’autoriser à poser des limites, même petites. Dire : “Là, c’est trop pour moi.”
  • Observer quelles relations nous nourrissent… et lesquelles nous vident.
sortir du people pleasing

Apprendre à sortir du camouflage, c’est un long chemin. Il demande de la sécurité, du soutien, et souvent un accompagnement thérapeutique. Mais c’est possible, j’en suis convaincue.

« Unmasking autism », un extrait qui m’a marquée

Je me suis permis de traduire et publier ici l’extrait du livre « Unmasking autism » de Devon Price qui m’a aidée, car il n’est pas sorti en français. Il parle des autistes camouflés, de la neurodiversité et du people pleasing, et du coût invisible de ces masques que l’on porte. J’y ai retrouvé des morceaux de moi. Peut-être que vous aussi. Autiste ou non.

Les autistes camouflés sont souvent des personnes qui cherchent compulsivement à plaire. Nous nous présentons comme joyeux et amicaux, ou inoffensifs et discrets. Les autistes camouflés ont aussi particulièrement tendance à adopter la réponse au traumatisme que le thérapeute Pete Walker décrit comme le « fawning » (la soumission excessive ou flagornerie comme j’aime l’appeler – note de Chloé). Faire face au stress ne se résume pas toujours à fuir ou combattre ; le fawning est une réponse conçue pour rendre inoffensive toute personne perçue comme une menace. Et pour les autistes camouflés, les menaces sociales sont omniprésentes.

« Les personnes qui font du fawning évitent l’investissement émotionnel et les déceptions potentielles en se montrant à peine », écrit Walker, « en se cachant derrière des personnalités serviables, en écoutant excessivement, en sollicitant trop ou en en faisant trop pour les autres. »

Walker souligne que, en ne révélant jamais leurs propres besoins ou malaises, les personnes qui font du fawning s’épargnent le risque du rejet. Mais elles échouent aussi à établir des liens profonds et authentiques avec les autres. C’est une manière de vivre très solitaire. Et aussi terriblement épuisante. Beaucoup d’adultes autistes camouflés ont du mal à concilier un travail à temps plein avec une vie sociale ou des loisirs, car maintenir un masque conciliant pendant huit heures par jour demande une telle énergie qu’il ne reste plus rien pour le reste.

Les liens que nous arrivons à créer peuvent ne jamais sembler satisfaisants ou fidèles à qui nous sommes réellement, car ils reposent sur le fait de répondre automatiquement aux besoins des autres et de toujours leur dire ce qu’ils veulent entendre. Le coach en bien-être autistique Samuel Dylan Finch a beaucoup écrit sur les raisons pour lesquelles les personnes autistes adoptent le fawning, et comment cela abîme nos relations. Il se reconnaît lui-même comme une personne fawn, même s’il a mis du temps à le réaliser :

« Je suis quelqu’un qui cherche à plaire », écrit-il sur son blog.
« J’ai mis longtemps à m’en rendre compte, pourtant. Parce que j’ai des opinions ! Et j’exprime ce que je pense ! »

Finch écrit que lorsqu’il cherche vraiment à créer un lien avec quelqu’un :

« Plus j’étais investi dans une connexion émotionnelle moins j’étais susceptible de critiquer cette personne, de dire que mes limites avaient été franchies, d’exprimer mon mal-être face à son comportement, ou de partager quoi que ce soit qui pourrait, selon moi, nuire à cette relation. »

Est-ce que ça vous parle ? Je serais ravie de vous lire, comme d’habitude !

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Je vous dis à bientôt pour un nouvel article !
Chloé


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6 Comments

  • Reply Soonia 25 juillet 2025 at 6 h 25 min

    Oh oui ça me parle. Depuis 5 apns je travaille là-dessus en thérapie : qui je suis moi ? Qu’est-ce que je veux moi ? Et pas juste être et faire pour faire plaisir (ou ce que je crois faire plaisir) aux autres. Et sur ce chemin, je me pose de plus en plus question de la neuroatypie… À l’approche de la quarantaine, il n’est jamais trop tard.

    • Reply Rayures et Ratures 25 juillet 2025 at 13 h 34 min

      Il n’est jamais trop tard, et l’approche de la quarantaine c’est tôt 🙂

  • Reply Eole 25 juillet 2025 at 10 h 39 min

    Je ne connaissais pas ce concept mais il me parle, sans avoir de TSA. Comme tu l’écris, bcp de gens (même neurotypiques) peuvent s’y reconnaître, et c’est important de l’identifier ! C’est terrible le sentiment de n’être connu et apprécié qu’en surface…
    Pour ma part, je l’attribue à un trouble de l’attachement lié à mon enfance et une grande, grande sensibilité au rejet…
    PS: petite faute d’orthographe dans la citation : « comme je l’ai appeler – note de Chloé »

    • Reply Rayures et Ratures 25 juillet 2025 at 13 h 34 min

      Oh merci ! J’ai réécrit cette phrase tellement de fois que je me suis emmêlé les pinceaux 🙂
      Tout à fait, c’est une stratégie de survie quand on a eu un psycho traumatisme de façon générale.

  • Reply sylvaine Pettens 25 juillet 2025 at 13 h 09 min

    . Le fawning peut aussi être traduit par complaisance, plus que soumission car il y a un côté dévalorisant dans la notion de soumission. En tout cas les américains font le distinguo entre soumission et pacification qui est une autre adaptation de survie quand face à un risque mortel comme les violences policières ou conjugales ☺️

    • Reply Rayures et Ratures 25 juillet 2025 at 13 h 32 min

      Oui tout à fait, je trouve que ce n’est pas vraiment de la soumission, mais pas vraiment de la complaisance, il faudrait un autre mot 🙂

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